samedi 2 avril 2011

Films roumains commentés...

Le samedi 4 décembre 2010 j'ai répondu aux questions des spectateurs du film "Un été inoubliable" (Lucian Pintilie, Roumanie, 1994) projeté à 17 heures au cinéma Alphonse Daudet, Centre André Malraux, dans le centre de Six-Fours, dans le cadre du festival "Portraits de Femmes - Au fil du temps". Le sujet du film est la contradiction entre systèmes, règles, facilité, lâcheté et indifférence d'un côté, et amour, conscience, honnêteté et courage de l'autre. Les rôles principaux sont tenus par Kristin Scott-Thomas et Claudiu Bleont (ci-contre, sur l'affiche roumaine).
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Le Lundi 26 avril 2010 au même endroit, j'ai répondu aux questions des spectateurs du film "Contes de l'âge d'or ", de Cristian Mungiu, et je leur ai passé un de mes diaporamas.
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* Ces projections ont été organisées par le Ciné-Club "LUMIÈRE DU SUD". De tels films ne peuvent passer qu'en salles "Art et Essai" (Contes de l'âge d'or est déjà passé au "Royal" de Toulon, mais sans débat ni questions-réponses). Comme "4 mois, 3 semaines et 2 jours" du même auteur, comme "12 h 08 à l'est de Bucarest" de Corneliu Porumboiu ou comme "Train de Vie" de Radu Mihaileanu, ce film n'a nulle chance de passer hors des salles "Art et Essai" et ne rencontre qu'indifférence polie ou un modeste succès d'estime auprès des critiques. En effet ces films "dérangent" l'identité collective de l'Europe occidentale. Cette identité para- ou pata-historique, c'est un inconscient collectif bâti sur les luttes sociales et les succès de l'occident pendant les "30 glorieuses", sur l'idée que les occidentaux auraient majoritairement été "du bon côté" et des "justes" pendant la guerre (méritant donc leurs succès), tandis que l'Europe orientale aurait été majoritairement "du mauvais côté" et antisémite (méritant donc leur isolement derrière le "rideau de fer"), enfin sur l'ignorance des 45 ans de souffrance qui ont suivi la guerre en Europe de l’est, souffrance perçue comme mineure même lorsqu'elle est connue (alors qu'elle a fait autant de morts, et parfois plus selon les pays, que la guerre).

Avec 4 mois, trois semaines et deux jours, Cristian Mungiu
montre ce qu'était le quotidien de plusieurs générations de roumaines et de roumains, et le vécu de la sexualité dans un régime interdisant la contraception et l'IVG pour empêcher la décroissance de la population. Les thèmes: la liberté de procréer, l'I.V.G., le combat pour la libre disposition de son corps, le statut de l'embryon et du foetus, les relations entre ces thématiques et les régimes politiques, la Roumanie, Ceausescu, le communisme. Beau défi que aborder tout cela avec des jeunes et des élèves, sans prendre parti, sans influencer, voire sans choquer personne ! Une solution: la simple vérité, sans fioritures, sans interprétations idéologiques, sans commentaires personnels. J'ai commenté ce film le 21 octobre et le 18 décembre 2008 respectivement au CDDP du Var à Toulon (avec Marie-Claude Caïs du Planning familial) et à l'Espace des Arts au paradet. Dans ce film, Mungiu abordait TROIS sujets en même temps : la dictature en général (sans jamais s’en prendre à ses fondements), la condition féminine ET l’avortement. Et c’était son premier film distribué en occident. Donc un certain intérêt et un certain succès.

Avec Contes de l’âge d’or, il n’y a plus qu’ UN sujet : la dictature en Roumanie, ET ses fondements (or ce n’est pas le nazisme, qui garantit de bonnes critiques, de la bonne pub et du succès, mais le communisme, garantie de gêne en occident, de critiques mitigées et de non-pub). Et c’est le second film de Mungiu distribué en occident. Donc “déjà vu”, et “occident déjà lassé”.

L’occident est hypermnésique du nazisme qui LE concerne : on peut le lui resservir autant qu’on veut... mais amnésique des autres idéologies génocidaires, qui ne LE concernent PAS : il s’en lasse très vite. Et si on se rappelle que dans les pays latins d’occident, le communisme a séduit jusqu’à un quart des électeurs et les deux tiers des intellectuels à un moment ou un autre des “trente glorieuses”, pendant lesquelles, à l’Est, misère et Goulag régnaient... on comprendra tout de suite pourquoi une carrière très discrète est promise aux Contes de l’âge d’or !

Mais Cristian Mungiu n’a pas fait ces films pour l’occident. Il les a faits pour les jeunes Roumaines et Roumains d’aujourd’hui, élevés dans la démocratie (fut-elle bancale et corrompue, mais pas plus qu’en Italie) et la croissance (fut-elle inégalitaire, comme dans le “miracle économique" italien des années 60), et ignorant tout de ce qu’ont vécu leurs mères et pères sous le communisme... Mères et pères qui ont horreur d’en parler... tant il leur a fallu s’humilier, se compromettre pour survivre.

La réalité médiatique est très différente de la réalité historique: 12 ans de dictature occidentale basée sur une trentaine de camps et de centres d'extermination (le nazisme) "pèsent" dans le paysage médiatique beaucoup plus lourd que 72 ou 45 ans de dictatures non-occidentales basées sur 687
camps et centres d'extermination (le communisme). Aujourd'hui encore, une tragédie commence en occident à 2 ou 3 victimes, en Russie, en Turquie ou en Iran à 200 ou 300, en Inde ou en Chine à 2000 ou 3000... Tous les humains ne sont pas égaux dans la mort.

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